Pun Pun, entre sauvegarde de graines et épanouissement dans la simplicité
- Bérénice Gits
- 26 août
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 sept.
Thaïlande, 50 km au nord de Chiang Mai, début février 2025
Après une bonne heure de songtheaw, un doux mélange entre taxi et bus local, je parcours les derniers kilomètres qui me séparent de Pun Pun en side car. Le véhicule s’engouffre dans une succession de villages, qui s’effacent petit à petit pour laisser place aux rizières. Au loin, j’apperçois quelques bâtiments parsemés entre une multitude d’arbres. Le chauffeur me laisse au pied d’un chemin terreux et me fait comprendre qu’il n’ira pas plus loin. Guidé par un grand soleil lumineux, me voilà en train de marcher d’un pas bien décidé vers cette ferme dans laquelle je passerais les deux prochaines semaines.

PUN PUN ; DES CENTAINES DE VARIETES
Les lieux sont quasiment vides lorsque j’arrive. Sheena, une des membres de la communauté, m’explique que tout le monde est parti travailler sur la parcelle de Jo, le fondateur, et qu’ils reviendront dans la soirée. Cela nous laisse le temps, avec les deux autres volontaires arrivés le même jour, de faire le tour du terrain. L’architecture du jardin, méticuleusement décrite sur le tableau de la cuisine, semble très structurée : chaque membre de la communauté est responsable d’une zone composée de plusieurs rangées de production et la répartition des variétés est établie par fréquence d’utilisation : les aliments les plus utilisés sont les plus proches de la cuisine. Après quelques pas dans le jardin, un tout autre paysage se dresse par rapport à ce que j’avais imaginé. Les parcelles resplendissent de couleurs, les fleurs sont omniprésentes, les tomates côtoient les arbres fruitiers, eux-mêmes mélangés avec une autre dizaine de variétés. En quelques mètres parcourus, je viens certainement de voir plus de typologies de légumes que ce que l’on peut observer sur un marché. Pun à deux significations en thaïlandais : centaines et variétés. Je comprends donc rapidement que cet endroit n’aurait pas pu être mieux nommé.
Au fil des jours, en faisant plus amplement connaissance avec les membres de la communauté, je donne une autre dimension à ces deux mots. Si aucune des plantes ne se ressemble, il en est de même pour le profil des personnes qui vivent ici au quotidien. La plupart y sont depuis une dizaine d’année, certains sont en famille, d’autre seuls, beaucoup sont passionnés par le travail de la terre, avec parfois un rapport assez spirituel, certains aiment la cuisine, d’autres l’agriculture, la fabrication de savons, les plantes médicinales, la mise en place de systèmes pour le traitement des eaux, la construction de bâtiments à partir de matériaux naturels.
Ils étaient venus il y a quelques années pour se former, se frotter à cette idée de résilience, aider à faire grandir le projet et puis à force de visites, y sont restés pour s’y implanter et adopter une certaine philosophie : une vie simple.
TRAVAILLER DANS LE BUT D'APPRECIER
Qui ne s’est jamais levé un matin en se disant qu’aujourd’hui, vraiment, on avait aucune envie de bosser ? Moi la première. Et bien en deux semaines ici, il ne me semble pas avoir vu qui que ce soit trainer des pieds pour débuter sa journée. Certes, le cadre idyllique, le beau temps et ma “période d’observation” de deux semaines biaises peut-être ma déduction, mais je pense que la perception complètement différente de la définition de travailler doit également jouer.
On a tendance à travailler pour subvenir à ses besoins : pour pouvoir s’acheter de quoi manger, de quoi s’habiller, de quoi se loger. Ici, l’idée c’est plutôt de travailler pour directement répondre à ses besoins. On plante de nombreuses variétés de légumes pour pouvoir les manger, on construit sa maison pour pouvoir se loger et puis on arrête de continuellement faire grandir sa penderie car ce n’est plus vraiment une priorité.
Une des autres grandes différence que j’ai constaté c’est celle du rapport au temps. Ne vous méprenez pas, les journées sont bien rythmées, et une session de plantation de pommes de terre sous un soleil écrasant n’est clairement pas de tout repos. De plus, il n'y a pas un jour sans activité. Cependant les longues pauses déjeuner permettent de siester, les tâches de la journée sont faites à un rythme qui permet de s’appliquer et d’échanger, une sorte de conscientisation permanente de ce que l’on est en train de réaliser. Un exercice des plus compliqué pour ma personnalité qui a tout de même tendance à préférer rapidement terminer, pour mentalement cocher une case et passer à la tâche suivante. Mais également une belle opportunité de prendre le temps de se poser, ce qui est souvent loin d’être la priorité d’un quotidien citadin.
DEVORER LA SIMPLICITE DE LA VIE
Venons-en au sujet pour lequel je suis venue ici : l'alimentation.
Je suis arrivée avec l’idée que j’allais me retrouver face à une communauté qui plantait des légumes pour “bien faire” ; je me suis retrouvée face à une communauté de gourmands qui cultivait un énorme potager car cela leur permettait d’autant plus de manger. Et pour le coup, j’ai très (trop?) bien mangé.
Tout le monde doit cuisiner au moins deux repas dans la semaine, et cette tâche n’a pas l’air de faire ronchonner qui que ce soit. Au contraire, les cuisiniers défilent, et avec eux leurs recettes préférées : curry, salade de papaye, tofu grillé, soupe marinée. J’ai presque passé la globalité de ma deuxième semaine en cuisine, pour pouvoir apprendre au maximum : parfois en tant qu’observatrice, souvent pour découper de nombreux légumes qu’ils m’envoyaient récolter dans le jardin.
S’ils ne sont pas complètement autonomes et que beaucoup de produits consommés sont achetés à l’extérieur, il s’agit encore une fois ,de simplicité. Planter de nombreux légumes leur permet d’avoir une base assez variée pour subvenir à leurs besoins primaires. Si le besoin se fait d’acheter des produits à l’extérieur car il est assez long de les fabriquer (tofu, cacao en poudre, etc.) ou que ce n’est pas dans leur capacité (riz, oeufs) mais que les bénéfices dégagés par les autres activités le permet, c’est ok.
Les moments passés en cuisine on été des moments d'apprentissages mais aussi beaucoup de partage. La plupart des visiteurs journaliers viennent d’ailleurs à l’heure du déjeuner. Parce que c’est excellent, certes, mais aussi car il n’y a pas meilleur moment qu'autour d’une assiette pour échanger sur de nombreux sujets.
Une vision de la transition alimentaire qui prône le goût avant tout, et qui n'aurait pas pu mieux lancer cette Odyssée.

























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