La coopérative d'agrumes de Muchacha-en
- Bérénice Gits
- 12 sept.
- 3 min de lecture
C'est mon deuxième jour sur l'île de Shikoku, une des moins touristiques du Japon. Et pourtant, on y trouve ici une variété phénoménale d'agrumes, ce qui selon moi, est la meilleure des attractions touristiques. Alors en cette matinée ensoleillée, j'enfourche un vélo, pour me rendre en bord de mer : là où est située la coopérative de Muchacha-en. Ils ont installé leurs bureaux dans une ancienne école désertée, où je vais retrouver l'un des employés pour y passer la journée. Après une rude montée sur mon bolide sans vitesse très peu adapté à la situation, je prends le temps de m'émerveiller sur le paysage (bien mérité donc) qui s'offre à moi. Ici, ce sont des champs en terrasse escarpée ; les terrains composés d'arbustes donnent l'impression de se déverser dans la mer.
CULTIVER DES AGRUMES SANS PESTICIDES POUR PRÉSERVER LES CONTRÉES
Mon guide pour les prochaines heures me raconte l'histoire de la coopérative en même temps que nous nous enfonçons dans les champs. La commune d'Ehime a toujours été connue pour ses nombreuses plantations d'agrumes, à tel point, qu'il y a plusieurs années, la sur-production a fait baisser les prix de vente. Face à cette tension sur le marché, les agriculteurs ont diversifié leurs variétés d'agrumes, pour retrouver de la rareté, et donc un prix de vente plus élevé. Avec comme seul objectif à atteindre, le profit, l'utilisation massive de produits chimiques a été faite.
Rapidement, les sols et eaux ont été pollués, et de nombreuses espèces animales ont commencé à périr. C'est à ce moment que prend forme la genèse de Muchacha-en. 3 frères, révoltés de ce qu'ils voyaient, on décidé de s'essayer à faire pousser des agrumes sans pesticides. Au fil des années, les 1 500 m² initiaux sont devenus des terrains entiers, embarquant avec eux de nombreux agriculteurs.
L'ARBRE FRUITIER ET L'AGRICULTURE NATURELLE ; DES TEMPS LONGS
L'équipe m'avait prévenu quand je les avais contactés : je visite les vergers dans une période hors production. La récolte des fruits se fait l'hiver, et peut s'étirer jusqu'à juin, selon la variété. Comme pour beaucoup d'arbres fruitiers, la culture des agrumes se fait sur un temps long. Il faut attendre au moins 5 ans avant qu'un arbre ne produise des fruits, qui eux-mêmes mettent 8 mois à passer de l'état de fleur à agrume, le tout en demandant beaucoup d'attention, notamment lorsqu'ils sont produits sans pesticides. Si les produits sont parfois moins beaux d'apparence, le goût en est pour autant décuplé. Beaucoup de savoirs et de subtilités, auxquels il n'est pas toujours simple de sensibiliser les fermiers.
Pour ce faire, la coopérative se créer, avec pour objectif d'accompagner les agriculteurs dans leur transition à l'agriculture biologique. Aujourd'hui, plus d'une centaine de producteurs l'on rejoins, et ils ont implanté de nombreux espaces de collecte au sein des terrains. Au-delà de la formation, la coopérative aide les agriculteurs à transformer leurs produits et les marketer afin que les consommateurs comprennent la démarche d'agriculture mise en place. Ce système repose donc sur un réseau de consommateurs engagés, qui ne s'arrêtent pas à l'apparence d'un fruit, mais qui vont chercher la qualité et la diversité du goût.
En sortant de leur nouvel usine de tris, mon guide me tend plusieurs petites bouteilles de jus, aux intitulées différents "celle-ci est ma favorite, c'est un mix parfait entre acidulé et sucré".
Effectivement, en une gorgée, je découvre un jus d'agrumes qui a bien plus de complexité et d'intérêt que la plupart des bouteilles vendues en supermarché. Si plusieurs boutiques d'alimentation spécialisées vendent leurs produits partout au Japon, découvrir la philosophie des personnes derrière la coopérative et la multitude de projets qu'ils mènent pour améliorer les conditions des travailleurs et des sols, rend la découverte d'autant plus percutante. Décidément, quelle belle idée de venir à Ehime.























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