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Se frotter au concept de permaculture

  • Photo du rédacteur: Bérénice Gits
    Bérénice Gits
  • 13 oct.
  • 5 min de lecture

Depuis mon retour à Paris, une envie me trottait dans la tête : débuter un potager pour mettre en pratique ce que j'avais vu durant l'Odyssée du Bien Manger. Malgré le fait d'être passé dans plusieurs fermes, je me retrouvais face à un vide intersidéral quand il s'agissait de débuter un potager. Comment analyser sa terre ? Comment la nourrir pour l'hiver ? Quels légumes planter à quel moment ? Bref, il me fallait un peu d'accompagnement pour y voir plus clair. Après quelques recherches, tout semblait me ramener à la permaculture ; cette pratique à laquelle j'attribuais surtout toilettes sèches, buttes de terre, raccord avec la lune et un certain laisser vivre avec un résultat pas toujours très visuellement organisé. Au fur et à mesure que je creusais, les déroulés de formation me semblaient sacrément copieux. "La permaculture est une ingénierie permettant de concevoir des systèmes humains, éthiques et durables, en harmonie avec la nature. La formation alterne cours théoriques et ateliers pratiques sur le sol, le végétal, l'énergie, l'eau, la gouvernance, l'économie et les méthodologies pour devenir plus autonome et bâtir un monde équitable, sain, soutenable et écologique". Il ne m'en fallait pas plus pour me mettre en chemin, un dimanche après-midi de septembre, vers une ferme dans les environs de Tours, parée pour suivre un cours de design en permaculture.



LA PETITE FERME DE GARGANTUA


Sur les cinq dernières minutes de trajet nous n'avons fait que croiser des champs uniformes et d'énormes tracteurs, cela me paraît un peu étrange pour un espace permacole. Pourtant, le GPS indique qu'au prochain croisement à gauche, nous y sommes. Je pousse un portail entouré de haies d'arbres et découvre un panneau indiquant "la petite ferme de Gargantua" : c'est bien là. Une grande bâtisse de pierre s'élève devant moi. Sarah, une des formatrices, m'accueille à bras ouverts, et m'indique l'arrière du terrain, là où je peux planter ma tente pour les prochains jours. Ce stage est sous le signe de la "sobriété choisie", comme ils appellent ça. Comprenez nuits en tente et douche au sceau.


En traversant le terrain, je remarque plusieurs cuves pour récupérer l'eau de pluie, un jardin touffu et rond qui héberge des végétaux en tout genre, des toilettes sèches et des panneaux solaires. J'ai comme l'impression de me lancer dans un stage survivaliste. Dès le lendemain matin, Steve Read et son équipe, nous parlerons de permaculture, ce concept trop souvent définit comme une manière de (seulement) gérer son potager.



UNE PHILOSOPHIE DE VIE QUI FAIT SENS


Les premiers jours d'apprentissage sont dédiés à poser les bases de la permaculture : ce concept ne s'applique pas uniquement au potager, mais c'est plutôt un outil pratique, qui accompagne dans la prise de décision, avec beaucoup de bon sens. On passe en revue les différents principes et éthique : prendre soin de la terre ; prendre soin des hommes ; créer l'abondance et la redistribuer de manière équitable. On se questionne également sur notre définition des besoins ; de quoi avons-nous finalement réellement besoin ? Une réflexion qui me plaît bien, et qui mériterait d'être un peu plus présente dans notre quotidien.


Cette introduction amène donc beaucoup de bon sens, quand l'on y pense : observer avant d'agir ; travailler avec la nature plutôt que contre elle ; s'adapter ; chercher le plus petit effort pour le maximum de changement ou bien encore : le problème est la solution, à comprendre : prenez du recul sur la situation pour percevoir le "problème" autrement.


Pour pouvoir mettre en pratique toute cette belle philosophie, sont arrivés les cours plus techniques. Saviez-vous qu'il existe deux cycles de l'eau, un bleu, qui part des océans, et puis un vert, qui se réalise à travers les arbres ? Que nous sommes globalement entourés de flux, comme le réseau trophique (chaîne alimentaire) qui permet à l'énergie et aux nutriments de se déplacer. Tant de concepts qui ont fait remonter de lointains souvenirs de SVT, certainement bien trop enfouis. Et pourtant, en les écoutant, ils m'ont parus essentiels à la compréhension de nos systèmes actuels. Qui, aujourd'hui, se questionne sur le cheminement de l'eau qui traverse nos toilettes ? Beaucoup de choses qui nous entourent semblent acquises, on ne remet pas vraiment en question leur fonctionnement, alors qu'ils sont bien souvent conçus pour servir au mieux nos quotidiens, mais la plupart du temps, complètement dysfonctionnels pour l'environnement.



REPRENDRE CONSCIENCE DE SA CONSOMMATION


Bien que quelque peu extrêmes en termes de sobriété, les infrastructures de la ferme sur laquelle se déroulait la formation étaient l'exemple parfait pour nous montrer que l'on pouvait faire autrement.


On ne va pas se mentir, la douche au seau a parfois été une épreuve de fin de journée. Bien que le cadre idyllique, avec en fond sonore la clochette des brebis, soit tout à fait sympathique, la température extérieure a rendu l'expérience assez sportive. Olivier n'est pas relié au réseau d'eau : pour se doucher, comme pour faire la vaisselle ou la lessive, c'est de l'eau de pluie qui est récupérée. Côté potable, l'eau est pompée grâce à un forage qui était déjà sur le terrain, et puis elle est filtrée à travers un double filtre. "Ça fait plus de 10 ans que j'habite ici, a priori, je suis plutôt toujours en vie" nous rassure Olivier.


Pour l'électricité, il faut minimiser sa consommation la nuit, et au contraire, faire tourner sa machine à laver une après-midi ensoleillée, quand le panneau solaire est grandement exposé. Pour se chauffer, on mise sur le poêle à bois, qui m'aura permis d'apprendre à manier un merlin : une sorte de marteaux-hâche qui, par le simple fait de la gravité, donne plus de force pour fendre une bûche. Ça défoule et surtout, ça réchauffe avant même d'allumer le feu.


Le rapport à notre consommation est alors totalement inversé, notamment, car l'on a besoin de produire un effort pour y accéder. Faire des allers-retours avec des seaux d'eau ; couper du bois ; pomper pour faire fonctionner le robinet de la cuisine ; s'assurer que la batterie soit remplie pour s'alimenter en électricité : autant de petites épreuves qui nous permettent de reprendre conscience de ce que l'on consomme au quotidien et de modérer cette consommation pour s'économiser. Produire des efforts pour accéder à l'eau et à l'électricité serait-elle une des manières les plus radicales pour réduire l'impact climatique ? C'est assez certain. (La consommation d'eau par jour et par personne en France est estimée par 150 L par l'ADEME. Ici, Olivier consomme une vingtaine de litres.)



LA NOURRITURE, UN LANGAGE UNIVERSEL


Récupération d'eau de pluie, isolation du bâtiment par l'extérieur, installation de panneau solaire, poêle à bois, toilettes sèches, potager et brebis pour pâturer ; les idées ne manquent pas pour se mettre sur le chemin de l'autonomie, mais quand on les ramène à un appartement parisien, ce qui est mon cas, la liste est tout de suite nettement réduite.


Sans grande surprise, un de nos besoins sur lequel nous pouvons (plus ou moins) facilement agir, c'est la nourriture. Si je suis déjà une mordue des légumes et que j'ai tendance à beaucoup cuisiner, je me suis tout de même mise à analyser ce que je pouvais changer. Passer des supermarchés à des distributeurs indépendants et solidaires (oui, depuis le temps que j'en parle, il est temps de m'abonner à La Fourche) ; produire au maximum mes produits transformés (objectifs à court terme, faire du pain, du beurre dès que j'aurai installé le kitchenAid, et du kéfir) ; rejoindre un jardin participatif (premier test imminent) ; ou encore, oser aller parler au gérant de la copropriété pour installer un compost et valoriser mes déchets alimentaires.


Finalement une multitude de petites actions qui, bout à bout, pourraient révolutionner bien plus que nos assiettes.


ree

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