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Hami et les namuls de Corée

  • Photo du rédacteur: Bérénice Gits
    Bérénice Gits
  • 10 sept.
  • 4 min de lecture

Pour notre première rencontre, Hami me donne rendez-vous dans sa cuisine. Elle habite dans un quartier au Sud-Ouest de Séoul, en haut d'une petite route pentue. La devanture de sa maison est décorée de plantes qui sèchent au soleil, et de grosses jarres de fermentation. Aucun doute, c'est bien ici. Comme pour le confirmer, Hami sort sa tête dans l'entrebâillement de la porte pour m'accueillir "Bérénice, it's here!". Je passe la porte d'entrée et me déchausse pour enfiler une paire de chaussons destinée aux invités. Il me suffit de monter une marche pour me retrouver dans la salle à manger qui donne sur une cuisine ouverte. Sur la table, une multitude d'assiettes sont minutieusement dressées pour prendre le thé.



LA RENCONTRE


Hami a fait des études de mode à Paris, et puis des costumes et des décors pour des représentations artistiques. L'un de ses déplacements professionnels l'amène à rester dans un temple. Si vous avez déjà eu l'occasion de discuter des temples avec une personne coréennes, et plus particulièrement, de leur nourriture, vous devez savoir à quel point elle est remarquable pour eux. La cuisine prône la simplicité, mais la connexion à la nature et au sol en fait quelque chose d'unique. Elle est représentative de toute une philosophie, d'une manière de vivre. C'est ce qui a marqué Hami, à tel point que ce séjour lui donne envie d'explorer la véritable nature de la cuisine coréenne. Elle trouve réponse en passant du temps à récolter des recettes et découvrir des produits dans la campagne avec des fermiers. Une cuisine simple aux saveurs fortes grâce à des produits de saison ; ce qui, selon elle, représente la version la plus vivante et réelle de la nourriture coréenne. Au fils des rencontres et des relations créées, Hami collecte des "recettes parlées", dans l'objectif de les partager et les faire perdurer. Depuis, elle traverse la Corée pour approfondir ses recherches. "En ce moment, c'est la période des namuls" m'annonce-t-elle ; des légumes sauvages ramassés par les habitants des montagnes. Cela tombe bien, le surlendemain, elle va en ramasser et apparemment, je suis de la partie.



LES NAMULS SAUVAGES


Le rendez-vous est donné à 6 heures du matin, à la même adresse, où je rencontre Teo et Yoojungin, les deux cuisiniers qui travaillent avec Hami. À peine éveillés, nous montons à bord d'un mini van, faisons un stop pour se rassasier avec des Gimbap, ces rouleaux de riz assaisonnés aux légumes marinés et à la sauce de sésame grillé puis roulés dans une feuille d'algue, et nous nous élançons en direction des montages de Gangwon. Les immeubles s'effacent pour laisser place aux paysages verdoyants.


Après 3 bonnes heures de route, nous arrivons en haut d'une montagne. Jo, un fermier du coin, devenu ami avec Hami, nous attends. Il sera notre guide pour aujourd'hui. Il sort une couverture et nous sert une tasse de ginseng le temps de nous dérouler le programme de la journée. Armés de gants et d'une besace en bandoulière spécifiquement conçue pour l'activité, nous nous créons un chemin dans la forêt. Le seul bruit à l'horizon, est celui des branches qui craquent sous nos pas. Jo nous montre les deux légumes sauvages que nous cherchons à récolter. Ils ressemblent à des petites pousses vertes d'une dizaine de centimètres à peine, qui me semblent être tout ce qu'il y a de plus commun. Les premières minutes ne sont pas très fructueuses de mon côté. J'ai du mal à reconnaître les plantes, de peur de ramasser quelque chose d'indigeste. Alors je garde une des fleurs en main, et je la compare avec tout ce qui m'entoure. Après quelques heures de recherches, le petit groupe de cueilleurs que nous sommes se rassemble : nous en avons ramassé assez, il est l'heure d'aller déjeuner.



LE DEJEUNER


Nous nous dirigeons vers un sous-bois qui appartient à la famille de Jo. J'apprends qu'il est chercheur de ginseng sauvage. Voilà un métier dont j'ignorais l'existence jusque-là. Les deux voitures s'arrêtent et j'ai à peine le temps de poser le pied-à-terre, que tout le monde est déjà en action. Le gaz s'allume sous les réchauds, le tofu se met à frire dans un wok, des nouilles de blé noir trempent dans un sceau. Elles proviennent de la région et sont si fraîches qu'il n'est pas nécessaire de les cuire. En un rien de temps, une table se dresse avec de nombreux plats. Tout le monde s'assoit en tailleur autour de la table, se saisit d'une paire de baguettes, et délecte ce festin sans un mot. Sans traîner, on range la table du déjeuner et on se remet à récolter. Cette fois-ci, nous sommes à la recherche d'oignons sauvages. Cela ne devrait pas être long, Jo en a un champ entier. C'est parfait, car nous devons encore rencontrer sa maman, pour apprendre une de ses recettes, qui se transmettent uniquement de génération en génération.


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LES RECETTES PARLÉES


Tout comme les cultures traditionnelles, les recettes orales se perdent aux fils des années. Hami souhaite les préserver en les collectant. Alors pour clôturer la journée, on se retrouve donc dans la cuisine de la mère de Jo, afin d'apprendre comment sublimer les namuls que nous avons collectés dans la journée. Elle nous reçoit avec un air amusé. Pas décontenancer par le petit groupe que nous sommes, elle se met en action. La suite se déroule d'une rapidité incroyable, ses gestes sont rodés. Elle rince les pousses, les fait revenir dans une huile comme j'en ai rarement goûté, prépare une pâte en parallèle, qu'elle fait revenir telle une crêpe dans une poêle, pour la garnir de légumes sauvages. L'énergie autour de ses actions est mi-admirative mi-hyper active ; l'équipe d'Hami essaye de peser les aliments qu'elle utilise, de prendre en photo les différentes étapes pour ne rien perdre de ses mouvements. Chacun notre tour, on tente de faire aussi bien qu'elle, en vain. On repart avec nos namuls durement récoltées, une recette que l'on a tant bien que de mal réussi à noter, et une poêle qui, apparemment, fait tout dans l'histoire.


Dans quelques jours, Hami organise un atelier pour initier des curieux de la cuisine à ces techniques et traditions coréenne. Une manière de faire perpétuer un patrimoine culinaire qui a tendance à vite se faire oublier.



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